J’ai déposé une première version de ma question le 1er février. Malheureusement, nous avons appris la semaine dernière que le permis avait été délivré. Je vais néanmoins poser les questions qui s’imposent.
La note explicative du projet minimise son impact. En réalité, l’immeuble projeté présente un gabarit équivalant à plus du double de celui des villas environnantes, sur une profondeur de 66 mètres dans l’intérieur de l’îlot et au sein d’un vaste complexe fermé qui traverse tout l’îlot.
La note explicative ne justifie que deux dérogations parmi la dizaine que présente ce projet, qui contrevient en effet à de nombreuses prescriptions et dérogations du plan régional d’affectation du sol (PRAS). Un addendum à la note explicative justifie deux dérogations supplémentaires, deux détails.
Or, il est loisible aux riverains, associations ou communes de contester chaque dérogation. C’est l’objet même des enquêtes publiques que de permettre le débat sur les demandes de dérogations. En l’espèce, la commission de concertation a considéré que les dérogations n’étaient pour la plupart pas acceptables, car non conformes au bon aménagement des lieux, principalement parce que « le nouvel immeuble est nettement plus profond que les habitations des parcelles voisines » et parce que le gabarit de la nouvelle construction est deux à trois fois plus haut que les habitations aux alentours.
Le 30 octobre dernier, en réponse à une interpellation, vous avez déclaré que « sur le fond, il n’y a pas de contradiction à ce que des logements multiples soient développés en lieu et place de villas unifamiliales. » Je décèle pourtant un problème urbanistique et juridique délicat, dans cette assertion. En effet, le principe d’aménagement, à savoir une ou deux villas par terrain, qui est respecté de longue date dans ce quartier suburbain et lui confère son caractère, a été formalisé dans des actes authentiques au titre de servitude.
Il ne peut être ignoré que cette condition spécifique reflète indiscutablement le bon aménagement des lieux. En décider autrement, notamment en autorisant la construction d’immeubles à appartements, implique une erreur manifeste d’appréciation que rien ne justifie et qui est inadmissible au regard de la jurisprudence du Conseil d’État en la matière.
Un avis favorable a été remis par urban.brussels et Bruxelles Environnement sous certaines conditions, dont celles de revoir l’emprise du bâtiment au sol et son gabarit, de préserver les arbres sains, à l’exception de ceux dans la zone à bâtir, et de replanter le même nombre d’arbres que ceux à abattre.
Ce permis a donc déjà été délivré, mais je pense que mes questions restent d’actualité.
Le fait que la note explicative du projet ne justifie que deux demandes de dérogation sur dix a-t-il été relevé par urban.brussels ?
Pourquoi l’addendum à cette note est-il si limité, ne justifiant que deux autres dérogations, de portée tout à fait dérisoire par rapport à l’impact de ce projet ?
Certes, les taux d’imperméabilisation et d’emprise au sol sont faibles, peut-être parce qu’ils sont calculés non pas à l’échelle de la parcelle du projet (le numéro 14), mais à l’échelle des deux parcelles agglomérées (numéros 14 et 16), le numéro 16 étant seulement en cours d’acquisition au moment du dépôt de la demande ?
Qu’est-ce qui empêcherait l’ambassade de la République populaire de Chine de déposer ultérieurement une nouvelle demande de permis pour la parcelle numéro 16, sachant que les relations entre la Belgique et la Chine ne cessent de s’intensifier, comme l’explique la note explicative jointe au projet ?
La construction en intérieur d’îlot pose des difficultés de cohabitation et de menace pour la biodiversité. Que disent les études d’ombrage relativement à la parcelle voisine ? Quel est l’impact du projet sur la biodiversité ?
Les riverains craignent, d’autre part, que la voirie de service ne serve malgré tout à des allers et venues du côté de l’avenue Bois du Dimanche. Un accès de ce côté est-il prévu ?
Le rapport sur les incidences environnementales (RIE) montre que le site de l’ambassade ne dispose pas de permis d’environnement, en particulier pour ses 34 places de parking existantes. Des démarches ont-elles été entreprises pour y remédier ? Ne serait-il pas temps de passer en revue la conformité urbanistique de l’ensemble des sites diplomatiques ?
Y a-t-il une jurisprudence dérogatoire face aux demandes des ambassades et représentations ? Comme il y a une valise diplomatique, existe-t-il un urbanisme diplomatique qui mènerait les autorités à fermer les yeux sur les demandes des ambassades étrangères ? On pourrait le croire, quand on se réfère par exemple à la privatisation, par l’ambassade des États-Unis, de la rue Zinner et à son aménagement très frustrant pour les cyclistes.
Par acquit de conscience, j’ai vérifié le guide du protocole des immunités et privilèges du Royaume de Belgique, qui vise à accueillir de manière transparente et courtoise les ressortissants étrangers en poste en Belgique. Il ne comporte pas de chapitre consacré à l’urbanisme et mentionne explicitement que « l’adresse d’un chargé d’affaires ne rentre pas dans la catégorie des bâtiments officiels, ni les logements d’autres membres du personnel de la mission diplomatique ». Il ne saurait donc y avoir de dérogation sur cette base.
Réponse de M. Pascal Smet, secrétaire d’État, 15/03/2021 et intégralité de l’intervention : http://weblex.brussels/data/crb/biq/2020-21/00097/images.pdf#page=6