Les concours privés organisés sous l’égide du maître-architecte de la Région de Bruxelles- Capitale facilitent-ils les dérogations à la réglementation ? À propos de la procédure de sélection du maître-architecte décrite sur votre propre site web, je lis avec intérêt un engagement du gouvernement à accorder plus d’attention au rôle de l’autorité publique et au statut de l’architecte dans le cadre de concours privés.

En effet, les concours privés se sont développés sous le précédent mandat de M. Kristiaan Borret. Avec cette nouvelle nomination, il est maintenant temps de prendre du recul. Une évaluation externe des processus d’accompagnement des concours privés par le maître-architecte sera donc lancée à la suite de la désignation. Cette évaluation doit aboutir à un cadre de collaboration clair pour tous et incitatif, pour le privé, en vue de générer davantage de qualité architecturale. Enfin, le gouvernement a également décidé d’élaborer une nouvelle procédure pour les futures nominations de maître-architecte.

Sur le site du maître-architecte, on peut lire que les procédures de concours sont également proposées aux maîtres d’ouvrage privés afin de promouvoir la qualité de l’espace à Bruxelles. Les avantages mis en exergue sont les suivants :

– la qualité du projet est stimulée par la mise en concurrence des candidats? ;

– les autorités publiques concernées par le projet suivent l’évolution de celui-ci dès les premières esquisses, ce qui facilite le travail par la suite, le contact étant établi dès les premières phases ;

– le maître d’ouvrage bénéficie de l’expertise de l’équipe du maître-architecte qui l’accompagne durant la procédure ;

– le futur projet s’intègre pleinement dans une vision cohérente de Bruxelles.

L’intervention du maître-architecte vise à améliorer la qualité des projets, ce qui est indispensable.

J’ai examiné les différentes étapes décrites ainsi que le contenu des notes de vision, notes de projet et notes méthodologiques demandées dans le cadre des concours privés. Les annexes doivent comprendre un arsenal développé de documents d’analyse de projet. Cependant, il n’est fait mention nulle part d’un préalable imposé de respect de la législation en vigueur ou d’une note relative aux dérogations demandées si le projet envisage de s’écarter des réglementations.

Cette analyse est requise ultérieurement dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis. Nous savons que certaines dimensions, notamment les gabarits, la densité ou la préservation des zones de pleine terre, sont très sensibles dans la perspective de l’insertion urbaine recherchée par le maître- architecte de la Région de Bruxelles-Capitale.

Or, l’ampleur des dérogations et l’écart par rapport au projet de ville défini dans le plan régional de développement durable (PRDD) peuvent faire en sorte que le projet soit rejeté au moment de la commission de concertation.

Cela pose question : le fait, pour le demandeur de s’inscrire volontairement dans le processus d’un concours privé suppose une forme d’intéressement à le faire. Les réunions avec le comité d’accompagnement engagent l’administration dans un dialogue qui est censé être gagnant-gagnant, ce qui n’est pas répréhensible en soi. Il n’y a cependant pas de témoins externes.

Le maître-architecte de la Région de Bruxelles-Capitale indique dans ses lignes directrices 2019-2024 souhaiter entamer un second mandat par une consultation large selon le modèle d’une commission d’évaluation, soit une évaluation à 360°. Il s’agit d’une évaluation par rapport à différentes catégories d’acteurs, parmi lesquels les pouvoirs publics, les concepteurs, les commanditaires privés et publics et la société civile – depuis longtemps promise, mais jamais associée -, par un tiers externe (peer) spécialiste de la qualité et du développement urbain. Cette consultation porte sur l’impact, les instruments, le fonctionnement du maître-architecte de la Région de Bruxelles-Capitale, avec des recommandations pour le mandat futur.

Il s’agit bien du dossier Lebeau avec un PS de 6 accordé par le concours qui soulève ces questions. Je cite : « Les autorités publiques concernées par le projet suivent l’évolution de celui-ci dès les premières esquisses, ce qui facilite le travail par la suite ». Qu’entendez-vous par « faciliter » ?

« La procédure des concours privés induit-elle un permis de déroger à la législation en vigueur du fait du dialogue qui s’instaure entre le comité d’accompagnement et le demandeur? » Cela n’introduit-il pas une forme d’inégalité de traitement avec les autres projets ?

Quand un demandeur a comme postulat la démolition- reconstruction, comment le maître-architecte de la Région de Bruxelles-Capitale apprécie-t-il la demande, au regard de ses propres balises ?

L’approbation du maître-architecte de la Région de Bruxelles- Capitale ne vient-elle pas court-circuiter la procédure des commissions de concertation ? Vos services seraient-ils ouverts à la perspective d’organiser une enquête publique en amont, sur les projets soumis à concours privés ou sur un avant-projet, ce qui réduirait le risque pour les demandeurs ? Le maître-architecte de la Région de Bruxelles-Capitale se demande d’ailleurs, sur son site, comment associer les riverains.

Le comité d’accompagnement a-t-il pour ligne de promouvoir le respect des règles ? Y a-t-il une limite aux dérogations ?

L’évaluation externe a-t-elle été entamée ?

Bien qu’il n’y ait pas d’urgence, une nouvelle procédure pour les futures nominations de maître-architecte est-elle en voie d’élaboration ? Qu’en est-il du consensus, au sein de notre commission, sur le fait que cette mission devrait être intégrée à l’administration ? Est-ce la piste envisagée ?

Ici, réponse de M. Pascal Smet, ecrétaire d’État : http://weblex.brussels/data/crb/biq/2020-21/00097/images.pdf#page=46