J’ai été surprise de voir publié dans la presse un plan du réaménagement de cette place datant de 2017. Il s’agit donc d’un plan antérieur au plan soumis à l’enquête publique en 2018, ce qui est troublant du point de vue de la gouvernance.
Pour rappel, une commission de concertation portant sur un projet soutenu par Beliris a eu lieu le 26 septembre 2018. À l’époque, la Région bruxelloise et l’échevine de la mobilité de la Ville de Bruxelles, Mme Els Ampe, ont fait une queue de poisson à ce projet en demandant un plain-pied, qui n’aurait cependant aucun sens dans un espace historique comme celui-ci. Les trottoirs font en effet partie intégrante du dispositif historique, comme l’a démontré une étude réalisée pour le compte de la Région.
À la suite d’un article publié dans Le Vif le 11 juin 2020, nous attendions avec inquiétude un plan modifié dans le cadre de l’article 191 du Code bruxellois de l’aménagement du territoire (Cobat), c’est-à-dire qui aurait potentiellement été établi sans nouvelle enquête publique, ni commission de concertation. C’est la raison pour laquelle je vous avais interpellé en juillet. Le 12 janvier dernier, la presse annonçait finalement une nouvelle enquête publique et une nouvelle commission de concertation, ce qui paraît nécessaire.
Ai-je bien compris que le choix du plan publié vise à illustrer la volonté désormais générale de maintenir des trottoirs sur la place Royale ? Si c’est le cas, c’est une bonne nouvelle, la mauvaise étant cependant que la Commission royale des monuments et des sites (CRMS) n’est pas citée parmi les organismes consultés. Or, tout l’enjeu est de concilier patrimoine et modes actifs dans une perspective contemporaine.
Dans ce projet, la place deviendrait à 80 % piétonne et cyclable, ce qui améliorera grandement la traversée par les cyclistes et la valeur d’usage et de séjour de la place. Il n’est pas précisé si elle sera dénommée zone de rencontre, où la vitesse est limitée à 20 km/h.
Une nouvelle enquête publique va donc avoir lieu et permettra à ce projet d’enfin aboutir. Opposer tenants de la ville historique et partisans de la mobilité active n’a en effet aucune pertinence. Des solutions intelligentes sont mises en œuvre dans d’autres villes. Une perspective contemporaine doit permettre d’assumer à la fois la place décomplexée des modes actifs et le sens historique de cet espace majestueux. C’est pourquoi l’avis de la CRMS sera particulièrement utile.
Sur les réseaux sociaux, vous avez déclaré : « Nous lancerons une nouvelle enquête publique concernant ces modifications, ce qui offre la possibilité de se pencher sur la situation pour les cyclistes et de poser la question des anciens trottoirs. » Cette place historique, comme l’a montré l’historien Christophe Loir, a été le théâtre d’une révolution urbanistique majeure pour l’époque, à savoir la création des premiers trottoirs du pays en 1776.
Le trottoir n’a pas été conçu comme refuge pour les piétons dans un espace dominé par la civilisation automobile, il y est antérieur de plus d’un siècle et n’a pas pour fonction de séparer les flux des piétons et voitures. Il a une fonction urbanistique et esthétique de composition de l’espace. Il marque la relation entre le bâti et la voirie. C’est un élément signifiant du paysage urbain historique. Or, si la place Royale rencontre le succès qu’elle a, malgré son état, c’est pour des raisons d’équilibre de composition. On ne voit pas sur ce plan – qui n’est pas le plan du projet qui sera réalisé – si les trottoirs sont surélevés de deux ou de dix à douze centimètres, ce qui est essentiel, ni quelle est leur largeur.
Une approche historique du réaménagement de la place Royale invite avant tout au respect de la symétrie :
trottoirs de largeur égale sur toute la périphérie de la place ;
– maintien de la statue de Godefroid de Bouillon dans l’axe
Royale-Régence ;
– respect des matériaux d’origine ;
– trottoirs surélevés en pierre bleue bouchardée ;
– petits pavés en porphyre en éventail sur la place ;
– désencombrement généralisé ;
– symétrie des tracés.
Confirmez-vous que le plan publié illustre les intentions du collège de la Ville de Bruxelles, de la Région et, j’imagine, de Beliris ?
Ne voyez-vous pas dans cette démarche un souci de gouvernance ? Ai-je bien compris que le choix de ce plan vise à illustrer la volonté désormais générale de maintenir des trottoirs sur la place Royale ?
Confirmez-vous qu’un nouveau projet sera conçu sur la base d’un accord de principe d’une place à 80 % cycliste et piétonne, le reste étant dédié au trafic du transport public ?
Cette option n’est praticable que si la circulation automobile est interdite ou très drastiquement réduite sur la place. Cela fait- il partie des intentions dans le cadre de la maille apaisée qu’a vocation à devenir le Pentagone ?
Les lignes de tram seraient déportées au sud de la statue de Godefroid de Bouillon. La STIB marque-t-elle son accord, considérant le surcroît d’usure des rails qu’apportent des courbures ?
La presse mentionne des consultations opérées auprès de la STIB et de Bruxelles Mobilité, mais pas de la CRMS. Pourquoi ? Ne faudrait-il pas, vu l’importance emblématique de cet espace, consulter cet organe d’experts en amont ?
Ici, la réponse du Secrétaire d’État, Pascal Smet : http://weblex.brussels/data/crb/biq/2020-21/00069/images.pdf#page=55