La semaine de l’impossibilité de la pause
Lundi 29 mai c’était férié et j’ai rédigé la fin du compte rendu hebdomadaire.
Comme la Belgique entière, nous étions tout à la joie de voir Olivier Vandecasteele libéré. Quand on est en politique, exprimer ce type de joie c’est de la récupération, je m’en suis donc réjouie secrètement.
Mardi 30 mai 2023
Colloque des 30 ans de la Commission Régionale de Développement, la principale Commission d’avis de la Région bruxelloise.
Ouverture par le Président du Parlement Rachid Madrane qui accueillait l’événement : « il est essentiel que les citoyens aient le sentiment d’être consultés ». C’est pourquoi notre Parlement a, entre autres, abaissé le seuil des auditions sur base de pétitions citoyennes de 5.000 à 1.000 signatures et qu’il a mis sur pied les Commissions délibératives mixtes. Rachid Madrane est fier de rappeler que l’OCDE a distingué les Commissions délibératives bruxelloises parmi les 10 initiatives démocratiques les plus inspirantes. En effet pour avoir participé deux fois, je pense que la phase d’information – pour autant que les participant.e.s, député.e.s comme citoyen.ne.s, aient accès à une information suffisamment complète, panoramique et synthétique – permet de débattre de manière pertinente et ouverte des enjeux de société.
Ouverture du colloque par un saisissant exposé de Christian Kesteloot : 30 ans de géographie sociale Bruxelloise en 20 minutes.
Voici le Plan de son exposé :
* Bruxelles est plus grande que la RBC,
* Tendances économiques,
* Riches et pauvres
* Trois dynamiques
Bruxelles est plus grande que la RBC
Kesteloot pointe plusieurs espaces : l’agglomération bruxelloise (le « bâti dense » ou plutôt « continu, la périphérie (2,5 millions d’habitant.e.s au total, avec la ville centre), la zone RER (3,5 millions d’habitant.e.s au total) et la zone de navette, encore plus large.
Tendances économiques
Bruxelles c’est 786.000 emplois en 2021
dont 41 % occupés par des Bruxelloi.e.s
33 % par de Flamand.e.s (qui représentent environ 10 % de la population active flamande)
18 % par des Wallon.ne.s.
La dynamique économiques et de création d‘emplois sont désormais plus fortes en périphérie qu’en RBC mais, depuis le début des années 2000, la création d’emplois profite davantage aux Bruxelloi.e.s.
L’emploi bruxellois est en grande partie un emploi non-marchand (environ 1/3 de l’emploi est financé par les pouvoirs publics, tous niveaux de pouvoir confondus).
Les voitures qui remplissent la ville dorment en périphérie. (NDRL : leurs propriétaires ne votent pas à Bruxelles mais pèsent sur les décisions).
Riches et pauvres
Pauvreté et jeunesse sont fortement corellées.
Les pauvres restent en grande partie cantonné.e.s dans « le croissant pauvre » qui cumule les indicateurs difficiles. Jamais de pauses dans les inégalités territoriales.
Trois dynamiques :
* Fordisme et périurbanisation (1950-1970)
Mobilité sociale ascendante, croissance de la classe moyenne, soutien à l’accès à la propriété, essor de la consommation de masse soutiennent la péri urbanisation. La péri urbanisation reprend à chaque cycle de croissance économique. La carte des propriétaires occupants colle à celle des propriétaires d’un ou plusieurs véhicules. La péri urbanisation a créé deux vides : dans les anciens quartiers ouvriers et sur le marché du travail.
* Immigration liée au travail
La Belgique a fait appel à l’immigration pour travailler dans les mines, dans l’industrie, dans la ville (chantier du métro dans les années 70). La désindustrialisation a pénalisé ces quartiers et ces populations ouvrières. La globalisation attire désormais des populations du monde entier. La part de la population belge reste comparable dans le temps, l’exode urbain est compensé par les migrations internationales. Les ménages d’origine étrangère, qu’ils restent pauvres ou prennent l’ascenseur social, sont également sujets à la péri urbanisation.
* Gentrification
Le processus procède d’une captation de la rente foncière : des ménages qui ont les moyens d’accéder à la propriété achètent à « prix bas » (relativement) dans des quartiers populaires, entraînant une hausse des valeurs. Le dommage collatéral : les pauvres vont vers les quartiers de logements sociaux voire quittent la ville et en perdent ainsi la valeur d’usage.
Cette amélioration de la base fiscale, va-t-elle être allouée à des politiques sociales pour le centre pauvre ou servir à la compétitivité bruxelloise via , par exemple, une politique de « bâtiments iconiques » sensés positionner Bruxelles sur la carte mondiale, demande le géographe ? (Je ne vois pas du tout à quoi il fait allusion). En tout cas, ces mouvements vont créer des changements électoraux importants.
Kestaloot distingue 3 groupes sociaux dans la ville :
* dans le centre où se concentrent les emplois, le commerce et les services, les pauvres et les immigrés, faibles sur le plan politique et sujets à une importante mobilité,
* en périphérie une classe moyenne puissante sur le plan politique et,
* à l’extérieur, les utilisateurs de la ville, indirectement puissants car participant à la décision via les autres niveaux de pouvoirs.
Kesteloot estime que trois scenarios sont possibles :
– Ne rien faire
Le centre se viderait de ses habitants et de ses services au profit de la périphérie, la ville devient inutile et négligée, c’est le scenario des années 80 ou le scenario à l’américaine. Il peut déboucher sur des hyper ghettos, voire une sécession sociale. (la gaieté de la géographie sociale)
– Le scenario de la ville répressive (priorité à la sécurité, au commerce et à la mobilité). Mener une politique qui bénéficie indirectement à la périphérie peut également créer des révoltes, dit-il.
– Le scenario du centre en faveur du maintien des populations existantes (priorité à la formation, à l’éducation, à l’emploi, au logement,…). Kesteloot propose d’associer la périphérie (par la fiscalité) à cette politique urbaine dont elle bénéficierait également, éventuellement en lui ouvrant le processus démocratique pour ce qui la concerne (sous conditions de convergences environnementales, ai-je envie d’ajouter, pour se prémunir du modèle instrumental, on a assez donné)
La CRD est déjà un des lieux d’une coopération avec l’hinterland.
Pendant ce temps là le dossier du métro se débattait en Commission Mobilité suite aux révélations de Beliris sur l’explosion des coûts (désormais à 4,4 milliards). Ce dossier a pas mal parasité les débats du colloque, certains estimant que si l’expertise et l’administration avaient la place qu’elles méritent en amont des décisions, l’inanité du projet aurait été démontrée.
Pour le reste, les trois notes préparatoires sont publiques (et très intéressantes) : expertise, participation, imaginaire ont été présentées successivement par Michel Hubert, Paul Vermeylen puis Eric Corijn puis débat avec trois panels animés par Eddy Caekelberghs.
Je représentais Alain Maron dans le débat sur la participation.
Nous avons commencé par l’état des lieux du Service de la participation : le cahier des charges pour une centrale de marché est en cours. Les diverses parties prenantes : administrations communales et régionales, pourront y avoir recours pour recruter des prestataires (animateurs, médiateurs de processus démocratiques), ça leur fera gagner du temps. C’est une manière d’associer le ou la citoyen.ne pris.e individuellement à la réflexion mais cela n’épuise pas le débat sur le rôle des commissions de concertation en urbanisme ni sur le soutien de la Région aux ASBL. La Commission de concertation doit être maintenue et ramenée en amont des processus d’élaboration de projet. Le débat a aussi porté sur les Commissions délibératives et, si vous y êtes attentifs.ves, vous verrez qui œuvre à les saboter.
Le constat est bien connu : la représentation via l’élection ne suffit pas. Il y a un défaut de représentativité dans certains processus de consultation. Le résultat en est qu’on entend que les mécontents. Il y a, dans le chef des politiques, un déficit d’écoute des avis indépendants ou disruptifs. Résultat : pertes de confiance, recours en justice, enlisement des projets qui ne font pas consensus ou dont l’échelle est inadaptée (Neo : grand stade, grand centre commercial, grand centre de congrès,…), et gaspillage de moyens publics en études et travaux inutiles. Certain.e.s ont cru qu’il était possible de revenir à l’urbanisme du secret et à l’entre soi des commissions. Mais non !
Remèdes, selon les participants : s’appuyer sur l‘expertise au sien du monde académique, de la société civile et des administrations, assurer la représentativité de la participation, l’aspect opposable des consultations, améliorer le fonctionnement des commissions de concertation, soutenir les associations qui vulgarisent les enjeux,… L’angle mort : le poids des lobbys.
Quand on a crié cela dans le désert pendant 20 ans, il est assez baroque d’entendre Kristian Borret dire qu’il fallait (qu’il aurait fallu, qu’il faudrait) imposer des quotas de logements sociaux dans les grands projets, considérant que le secteur privé loge 90 % de la population. (Et qu’il n’y a pas de pause pour les promoteurs).
En fin de journée, séance académique avec comme invités d’honneur mon ancien boss, René Schoonbrodt et Charles Picqué, ce qui donne lieu à quelques scènes cocasses. Rachid Madrane, qui a oublié son GSM, me demande de prendre Picqué et Vervoort en photo. Rachid pense que je suis la seule personne dans ce Parlement qui se souvienne de ce qu’est une CLDI. Mais non ! John Pitseys, qui passe par là, trouve que les discours sont « so 97 » : « c’est quand même le politique qui doit décider, in fine ».
La CRD avait eu la bonne idée d’inviter Anne-Emmanuelle Bourgaux qui a fait un plaidoyer pour l’approfondissement de la démocratie. Elle a rappelé l’analyse qu’elle avait faite des processus participatifs en urbanisme pour l’école urbaine de l’ARAU : des processus systématiques et engageants pour l’autorité publique. Pour René Schoonbrodt, la société civile doit être soutenue, à l’instar des partis politiques. C’est par la ville qu’on trouvera les solutions aux inégalités sociales, aux besoins d’emplois, à la lutte contre les discriminations … Picqué rend hommage aux outsiders. Pour lui, les démocrates ne doivent pas se diviser. Le Ministre-Président nous rappelle que le droit à la ville est un principe fondamental. Et bien d’autres considérations encore.
Puis nous avons bénéficié d’un concert de l’ensemble de fanfare Café Marché.
Puis je suis passée à l’after work commun Groen-Ecolo à la Green House pour discuter avec des collègues in et hors PRB et me détendre un peu, j’avoue.
Mercredi 31 mai 2023
Lecture du projet de PAD Maximilien.
Comme à l’accoutumée diagnostic et intentions intéressants mais davantage de perplexité quant à l’effectivité de certains intentions et à la pertinence de certaines des « opportunités immobilières » publiques.
Ahmed Mouhssin est venu me solliciter pour voter en Comité égalité des chances de la COCOF. Oui : il y a un Comité Egalité des chances en COCOF et une Commission du même nom en Région, ne cherchez pas. Mais j’avais une réunion : les autres groupes peuvent aussi contribuer au quorum de temps en temps. C’est vrai, dit le futur bourgmestre de Saint-Josse.
Réunion préparatoire au colloque du 7 juin « Quelles politiques pour des villes vivantes ? » avec les associations.
Jules, un collaborateur du groupe, est venu me chercher pour voter dans le fameux Comité égalité des chances. Je suis donc allée contribuer au quorum en Egalité des chances. Les autres groupes ne sont visiblement pas suffisamment boy scout pour contribuer au quorum. Mes invité.e.s se sont montré.e.s compréhenssifs.ves, merci à eux.
Table ronde sur l’architecture organisée par le MR au parlement bruxellois.
Le MR nous rejoue la guerre inlassable des Anciens et des Modernes. Entre un jeune homme (Noé Morin) de l’ASBL la Table ronde de l’architecture, qui défend l’architecture traditionnelle et déteste le modernisme, et un architecte expérimenté (Francis Metzger) qui œuvre principalement dans la restauration de monuments mais rappelle que le modernisme était avant tout un hygiénisme : ma successeuse à la tête de l’ARAU, Marion Alecian essaie d’amener un peu de nuances. Le MR tacle Pascal Smet quant aux délais d’obtention des permis. Principale proposition politique de la soirée : supprimer le poste de Bouwmeester pour le remplacer par une Commission. Vous connaissez le dicton sur le cheval dessiné par une Commission ? Je ne suis pas d’accord avec la méthode du bma mais j’estime qu’il ne faut pas mépriser le travail de son équipe : une équipe à temps plein fera mieux qu’une Commission qui se réunirait une fois par mois entre soi.
Jeudi 1er juin 2023
Réunion de groupe
Discussion sur les points d’actualité, de ceux qui arrivent au bru gov et en majorité, du rapport de la commission Uber, de la participation du public, des demandes d’auditions en Commission Mobilité, …
Réunion Team verte
Tour de piste de nos dossiers et événements proches.
Réunion sur le projet de PAD Maximilien, bientôt à l’enquête publique.
Préparation d’un texte de debunckage des infox sur le dossier de projet de métro.
Par exemple, le MR ramène sans arrêt l’exemple de Madrid. La Métrovison de la STIB, publié en 2009 donne ces indications : 6 ,1 millions d’habitants (plus de deux fois Bruxelles et périphérie large), 295 stations à 16 m sous terre (et pas 30 m), 2,5 millions de voyages par jour dont coût des extensions : plus de 10 milliards. Universités et centres de recherches associés dès le début. Sources de financement stables. Difficilement comparable même sans s’avancer sur le terrain marécageux de la géologie.
Réunion Communication pour notre Colloque « Pour des villes vivantes »
Jeudi 2 juin 2023
Plénière PRB
Don de sang à la croix Rouge
Jour du Climat : présentation du rapport des experts Climat et réponses du Gouvernement devant une petite vingtaine de parlementaires dont un tiers d’Ecolo.
En gros, les villes se réchauffent et les effets du dérèglement climatique sont exacerbés en ville. Ce n’est pas trop le moment de faire une petite pause. Bruxelles comporte beaucoup de locataires : peu de maîtrise des enjeux d’isolation. 41 % des appartements et 71 % des maisons ont une PEB F ou G. Entre 1955 et 2006, la superficie imperméabilisée à Bruxelles a plus que doublé ». Il n’y a pas assez d’évaporation et trop d’eaux vont aux égouts. Le rapport comporte plusieurs volets : aménagement du territoire, énergie, lutte contre les inégalités sociales,…
Puis réactions de chaque groupe.
Dans la foulée, à 18h15 : réunion de la team verte sur les Recommandations de la Commission délibérative Bruit. Pour le dire pudiquement je ne suis pas rentrée tôt à la maison.
Samedi 3 juin 2023
Phase de Recommandations de la Commission délibérative sur le bruit.
Nous avons discuté des propositions d’améliorations à apporter aux recommandations en plénière puis voté en sous groupe. Ingrid Parmentier Mobilité, Tristan Roberti Vivre ensemble, Lotte Stoops en Effectivité et moi en Aménagement du territoire. Puis retour en plénière et amendements que nous aurons le plaisir de découvrir samedi prochain. Les votes ont été reportés à samedi prochain car il se faisait tard.
Dimanche 4 juin 2023
La presse annonce que la société Abattoirs va cesser ses activités. Je l’avais dit lors des débats autour de l’abattage rituel : le site des abattoirs était condamné, considérant que le permis d’environnement expirait en 2028 et que la SAU est occupée depuis quelques années à préparer des projets de réurbanisation du site.
Et puis nous fûmes à quelqu’un.e.s fêter l’anniversaire de Marwan à la Guinguette du parc du Cinquantenaire et un fonctionnaire européen est venu me demander ce que la Région foutait avec la tarification kilométrique vu que la Commission a écrit qu’il était légitime de la lettre en oeuvre. Il habite place de l’Yser et c’est infernal. Un des axes les plus congestionnés et pollués de Bruxelles. Je suis bien d’accord. La pause a assez duré.