A Bruxelles, les comités de quartier se mettent en ordre de bataille contre les PAD, les Plans d’Aménagement Directeurs. Ce nouvel outil urbanistique de la région bruxelloise vise à développer de nouveaux quartiers, pensés dans leur globalité. Il permet aussi de cibler les chantiers prioritaires. Pour le moment, il en existe 13. 13 projets qui suscitent beaucoup d’inquiétude du côté des riverains. Les comités de quartier voisins des PAD préparent la riposte.
Les PAD, anti-démocratiques, selon les comités de quartier
C’est un grand salon chaleureux d’Uccle et le temps d’une soirée, il s’est transformé en une agora de comités de quartier. C’est la première fois qu’ils se rassemblent, même si le travail a déjà été défriché par un noyau de personnes. Ce mercredi soir de février, ils sont donc une trentaine de Bruxellois, venus des quatre coins de la région: Anderlecht, Schaerbeek, Bruxelles-Ville, etc ou appartiennent à des associations actives sur ces questions d’aménagement du territoire, comme Inter environnement Bruxelles, l’ARAU, l’Atelier de Recherche et d’action Urbaines ou encore Natagora.
Bref,« Tous les PAD sont représentés! Enfin, les comités de quartier voisins de ces PAD », explique Krysia Sobieski. Elle fait partie du comité de la Friche Josaphat qui s’oppose au projet prévu sur cette friche à cheval sur Schaerbeek et Evere. « Je suis là parce que je suis offusquée par la façon dont la région gère la ville aujourd’hui. Les PAD sont totalement anti-démocratiques. Il y a une destruction totale de terrains entiers. La région bruxelloise vend aux promoteurs privés. Il y a une privatisation à outrance de tous les espaces publics ».
Des craintes d’une densité trop forte, de tours trop hautes
Pierre-Luc Vervandier habite lui le quartier européen et s’inquiète du PAD Loi : « La région n’est pas allée sur le terrain, interroger les personnes qui vivaient là ou travaillaient là. Elle n’a pas mis de bungalow par exemple où les gens pouvaient venir voir des maquettes. C’est ce que l’on voit dans d’autres villes d’Europe. La région a présenté son projet de manière très rapide. Les gens ont eu peu de temps pour répondre sur internet. Et nous, on craint la construction de tours très très hautes qui vont générer une ombre portée immense sur la partie où il y a encore des habitants dans le quartier européen. On craint une densité trop forte pour cet endroit ».
Le PAD, un bazouka urbanistique qui passe à travers tout
Les riverains ont donc l’impression que la région bruxelloise leur impose ses projets. Et au delà de cet aspect, ils fustigent aussi le fait que les PAD permettent de déroger à des règles urbanistiques existantes. C’est ce que dénoncent plusieurs associations depuis longtemps: « On l’a appelé le Plan d’Aménagement Dictateur, sourit Claire Scohier, chargée de projets chez Inter Environnement Bruxelles. « Les juristes le disent: c’est un bazooka urbanistique qui passe à travers tout. Cela pose un problème au niveau constitutionnel, sans doute d’avoir un outil qui peut déroger aux normes les plus ultimes de l’aménagement du territoire ». [… ]
« Nous, on dit que le PAD, il immunise le territoire. C’est comme s’il n’existait aucune réglementation. Avec les PAD, les grandes normes du développement territorial comme le plan régional d’affectation du sol ou le règlement régional d’urbanisme – des règles qui ont été analysées, suivies de consultation – avec les PAD donc, d’un seul coup, vous les faites exploser et vous pouvez par exemple, construire des tours ».
Mobiliser, informer et attaquer devant les tribunaux
Le projet de ces comités de quartier est donc en construction. Mais leur envie est de rassembler leurs forces contre les PAD. Ensemble, ils veulent donc tout d’abord mieux informer les riverains, « Quand on parle avec les petits commerçants et avec nos voisins », explique Jean Detry d’une association de comités de quartier d’Auderghem, « on se rend compte que la plupart des gens n’ont pas investi le temps nécessaire pour essayer de comprendre les 2000 pages du rapport d’incidences, parce que le vocabulaire est technique. Et donc nous allons informer, mobiliser autour de ce problème ».
Ces comités de quartier rencontrent aussi les acteurs politiques. Mais ils sont aussi prêts à dégainer l’arme juridique, lancer des recours devant les tribunaux contre ces projets.
Un mauvais procès pour le gouvernement bruxellois
Du côté du gouvernement bruxellois, on explique que ces PAD servent de cadre maximaliste au développement futur des quartiers. Que c’est un mauvais procès pour cet outil de planification territoriale. Chez Ecolo, également dans la majorité, on comprend le sentiment d’inquiétude et d’écrasement des riverains. Isabelle Pauthier, députée bruxelloise, nuance par contre: la région devra tenir compte des avis émis.
Retrouvez l’article ici:
https://www.rtbf.be/info/regions/detail_bruxelles-les-comites-de-quartier-en-ordre-de-bataille-pour-contrer-les-pad?id=10436925