Semaine de la démocratie directe
Lundi de Pâques
Je suis rentrée à Bruxelles pour trouver le livre de Jean-Marc Nollet consacré aux conquêtes démocratiques dans ma boîte aux lettres. Trop dommage : si je l’avais reçu avant les vacances je l’aurais lu pour le débat du 20 avril.
Mardi 19 avril 2022
Commission Mobilité
Audition de la STIB dans le cadre d’un débat consacré à la sécurité du personnel de la STIB puis intervention des Commissaires. J’ai senti la colère monter progressivement car la plupart des interventions alimentait une insidieuse criminalisation a priori des incivilités des pauvres et des populations en marge : SDF, drogués, jeunes, etc. La Stib est en première ligne et fait ce qu’elle peut en s’appuyant sur des associations spécialisées mais je crois que les biais sociaux méritent une déconstruction, ce qu’Ingrid, qui prenait la parole au nom du groupe Ecolo, amena dans le débat : « Le groupe Ecolo-Groen se dit critique quant à la définition d’une « présence inadéquate » et veut « éviter de criminaliser le fait d’être pauvre ou sans abri ». « Quand il fait -5 dehors et qu’une personne passe la journée en station et n’importune pas les voyageurs : est-ce une personne (note : en réalité il fallait lire « comportement ») inadéquate ? », s’interroge (rhétoriquement) Ingrid Parmentier (Écolo). »
Voilà à quoi on arrive avec des assertions du genre : « la peur doit changer de camp ».
L’enjeu n’est pas la prévention contre la répression (ou en lieu et place) mais bien la lutte contre la violence, et la pauvreté est aussi une violence faite aux pauvres. Ce n’est ni un choix ni une fatalité individuels.
Discussion sur le report du projet de réaménagement du Rond Point Schumann suite à un recours introduit par les comités d’habitants locaux. Le MR essaie de faire endosser la philosophie du projet à Elke Van den Brandt alors que l’intention de réaménager cet espace avec un « geste architectural fort » date d’il y a une vingtaine d’années et qu’elle est tout au plus coupable d’avoir voulu faire aboutir un projet de Pascal Smet du même type que celui de la place Rogier : un geste sur une esplanade vide et minérale. Jamais accepté de la population du fait des enjeux sous-jacents dont le peu de confiance dans la réduction du trafic automobile, que ne veut pas le MR (faut pas pousser). Aussi il réclame la verdurisation et le respect des perspectives urbanistiques. Je pense qu’il faut un cadre légal global pour le respect des perspectives dans le RRU. J’aime bien également quand le MR juge un projet à l’aune de son coût, forcément « exhorbitant », alors que le projet de Xavier De Geyter, sorti de la cuisse d’un concours en 2011, et recalé par Beliris soi même, était beaucoup plus onéreux car plus complexe, et que cet argument n’est curieusement pas mobilisé contre la rénovation des tunnels routiers (plus d‘un milliard d’euros), ni contre le projet de métro nord (plus de 3 milliards, comme c’est parti). Au contraire, le MR estime qu’il faut creuser davantage de tunnels (routiers comme métro) au nom de la fluidité du trafic, une idée des années 90.
Puis j’ai réétudié certains aspects précis du projet de métro nord suite à divers coups de fil.
Mercredi 20 avril 2022
Le matin, Ingrid et moi mais aussi Thibaud Wyngaard, Yves Rouyet, Marie De Schrijver et de nombreux riverain.e.s, praticien.ne.s et journalistes nous mîmes en mode « écoute » des propositions de l’ARAU pour un Bois de la Cambre sans voiture. Ces gens exagèrent ! Et pourquoi pas un parc sans voiture, tant qu’on y est ?
Puis j’ai couru au Parlement de la COCOF où j’avais rendez-vous avec la présidente et l’organisateur d’un futur séminaire sur le thème « Ville et santé ». Cela tombe bien, Magali s’y connaît bien en santé et moi pas trop mal en ville.
Et puis nous avons eu réunion de la team verte en visio.
Et puis je suis partie à l’ULB malgré le débat du premier tour des présidentielles afin d’écouter David Van Reybrouck et Jean-Marc Nollet discuter démocratie. L’analyse du déni par Macron de la Convention citoyenne est édifiante dans un contexte où la France fait les frais du manque de proportionnelle, et donc de représentativité, et à l’effacement complet de l’enjeu climatique dans le débat électoral. La démocratie directe peut oxygéner le bazar, à côté des corps intermédiaires et de la société civile organisée, qui a le mérite de connaître l’historique des enjeux. La Belgique est pionnière en matière d’innovation démocratique mais pour quelqu’un comme moi qui fréquente de près la participation sur les sujets concrets du cadre de vie, la démocratie consociative se noie souvent dans l’information du public par les porteurs du projet eux-mêmes. Cri du coeur de ma part puisqu’un débat décentralisé est territorialisé, en principe, ou du moins peut s’appuyer sur des exemples locaux : « Et Bruxelles, dans tout ça ? ». Notre ville est en effet le coeur du réacteur belge, son noyau dur institutionnel et un obstacle sérieux à sa fission. Par ailleurs, disais-je, l’actualité démontre bien l’urgence à lutter contre le sentiment de désafiliation en prenant en compte les attentes de la population et en se montrant cohérents. En termes de démocratie, s’acharner à poursuivre certains projets sous prétexte qu’ils sont inscrits dans une déclaration de début de législature alors que tant d’éléments nouveaux sont intervenus, dont l’explosion du budget, par exemple, c’est moyen. Les Bruxellois.e.s ne sont pas tenu.e.s par la déclaration de politique générale. Réponse, habile, de Jean-Marc, du genre je vois à quoi tu fais allusion et je fais confiance au groupe et aux ministres pour évaluer les enjeux.
Autrement dit malgré mes doutes je peux continuer à croire que la pertinence constitue le socle du bon gouvernement mais qu’on obtient rien sans lutte. Je dis cela pour encourager tous les gens que ça fatigue.
Jeudi 21 avril 2022
Réunion de groupe
On a parlé de l’approche de la mendicité de la Ville. (Pour ne pas se fatiguer inutilement il faut choisir ses combats et je suis soulagée que des collègues s’occupent de celui-là)
Commission de concertation relative au deuxième tronçon du projet de métro nord.
Première fois que je participe à une concertation depuis que je suis députée. Je suis venue comme observatrice.
Certains parlent de la Commission de concertation comme d’un « leurre » mais ce sont les modalités de la consultation en amont qui n’étaient pas appropriées à l’ampleur du projet : durée inadaptée de la consultation, technicité des documents soumis à l’enquête publique. C’est pourquoi j’avais demandé à Pascal Smet de prolonger l’EP.
Voici ce que j’ai posté sur le groupe Save Tram 55 : Il ne faut pas se tromper de cible. Ce n’est pas la concertation elle-même qui constitue un leurre ou une parodie. En l’espèce, heureusement que la Commission de concertation existe car elle constitue, comme plusieurs personnes l’ont dit d’ailleurs, le seul moment formel d’échanges sur le projet. (…) Le seul moment où le demandeur du PU est tenu de répondre de ses choix. J’ai trouvé curieux que ce soit Urban (l’administration régionale sous tutelle de Pascal Smet) qui préside et pas le politique (l’échevin). Là où est l’erreur politique c’est quand certains acteurs sont juges et parties (la STIB qui fait la politique de transport, par exemple, et qui défend le projet avec des arguments politiques) et quand les modalités de consultation ne permettent pas une participation complète. En l’occurrence, les réclamants manquaient et de temps vu l’ampleur du dossier et d’une synthèse des amendements au projet et, surtout et depuis le début de ce projet, d’une démonstration objective et neutre de la pertinence de ce choix modal.
Je trouve que cette Commission de concertation s’est déroulée correctement : les principaux membres de la Commission se sont présentés, l’animateur était calme, la présentation ppt était claire et suffisamment détaillée, les demandeurs du PU (Beliris) ont délégué une partie des réponses aux spécialistes en charge des différentes parties de l’étude d’incidences, les représentants d’Aries ont répondu avec rigueur. Par exemple, un des techniciens a précisé que les incidences avaient été évaluées en fonction de l’objectif donné par le politique (réaliser un métro et pas optimiser le transport public de surface, en clair).
Pour moi il n’y a qu’un incident : quand l’échevin de l’urbanisme a répondu au BRAL que le contrat proposé aux commerçants était hors périmètre de la demande, et donc hors sujet, il aurait dû s’abstenir puisque la STIB avait évoqué cette modalité dans son exposé mais le BRAL a pu poursuivre.
Quand l’animateur a essayé d’interrompre Mélissa P. et que Karolien Z. a suggéré que les personnes opposées au projet se lèvent, cela ne pouvait que susciter une réaction car c’était disruptif par rapport à un déroulement codifié mais l’animateur a laissé Melissa parler aussi longuement qu’elle le voulait. Son intervention a fait forte impression, comme celle des habitantes des immeubles du boulevard Lambermont, car elles parlaient comme personnes directement concernées par les risques du projet, ce qui déplaçait le sujet du périmètre technique vers la sphère politique et fragilisait donc considérablement le projet.
Je suis partie pour une réunion vers 18h15 et n’ai pas encore d’échos de la fin mais, à ce stade, il y a un point qui n’est pas clair, selon moi : qui a raison, de l’ARAU ou d’Aries, quant au serpent de charge ?
Et donc ni leurre, ni cabale, n’aidez pas les ennemis de la participation, mais bien un défaut de démonstration de pertinence en amont, ce qui explique que ce débat ressorte aujourd’hui. Les panneaux photovoltaïques, toitures vertes, parkings vélo ou autres aménagements pour les PMR, qui auraient dû être intégrés dès le départ, ne convaincront pas les gens et susciteront même la colère car ce n’est pas le sujet. Le sujet, comme indiqué par les experts, c’est le rapport coût/bénéfice du choix modal et en particulier le transfert modal. 0, 6 % pour plus de 3 milliards d’euros ? https://www.dhnet.be/…/opinion-le-projet-de-metro-nord…
Et la vision de la ville. A la place d’Urban je serais troublée par les conséquences urbanistiques et patrimoniales massives du projet.
Jeudredi des Cabinets.
J’ai quitté la concertation avant la fin pour des raisons professionnelles : le retour des after work des Cabinets. En gros, on était tous passablement exalté.e.s et on a parlé boulot toute la soirée. Ça s’appelle l’informel et ça fait vachement du bien. J’y suis allée de mon petit compte rendu de cette concertation et quelqu’un que je ne dénoncerai pas m’a rappelé une évidence (qu’un ancien administrateur de la STIB qui se reconnaîtra m’avait déjà dite vers 2016) la STIB souhaite un dépôt de rames de métro à Haren et il faut bien des rails pour y amener les rames. Commentaire d’un autre collègue : « ça fait cher le garage »
Vendredi 22 avril 2022
Plénière
Je suis venue bien sagement à 9h30 mais il y a de moins en moins de monde, les député.e.s sont sur le terrain et laissent les chefs de groupe tenir la boutique parlementaire.
Justement, la Cheffe de groupe MR intervenait sur la proposition de Résolution du PTB qui exigeait davantage de logements sociaux sur le terrain des Dames Blanches dans sa riante commune de WSP. Je ne suis pas membre effective de la Commission Logement, ce sont Super Zoé et Wonder Pierre-Yves qui ont bien du mérite, et donc je n’ai pas participé au débat en Commission mais en entendant Alexia Bertrand, qui a pourtant des intérêts dans l’immobilier, dénoncer « l’hyper densification » du terrain des Dames Blanches mon sang n’a fait qu’un tour et je me suis jetée dans le débat en free style pour soutenir l’intervention de Martin Casier (PS). L’idéologie c’est une chose mais le droit de l’urbanisme c’en est une autre et il y a sur ce terrain un plan réglementaire, le PPAS Dames Blanches, qui prévoyait environ 140 logements sociaux (134) qui vont in fine être construits sur la moitié ad hoc du terrain + 80 moyens, soit 200 logements à finalité sociale là où le Master Plan de 2017, un plan indicatif qui a la mérite d’avoir fait l’objet d’une large concertation, en prévoyait entre 350 et 450 au total dans une densité en relation avec l’environnement immédiat, c’est-à-dire FAIBLE. La seule acceptable par cette Commune, visiblement là où dans d’autres personne ne s’offusque. Ce PPAS, défendu par Madame Bertrand prévoyait par ailleurs des villas sur la deuxième moitié du terrain qui sera affectée à des fonctions collectives du type agriculture urbaine. Madame Bertrand considère cependant la densité de ce projet (P/S de 0,44) comme « excessive ». J’ai indiqué qu’elle est quatre fois moindre que celle envisagée à Josaphat ou à la Gare de l’Ouest où il est prévu 80 % de logements à finalité sociale dans une commune qui est déjà au-dessus de l’objectif régional.
Voici ce que j’en écrivais le 15 mai 2021 : « La construction de logements à finalité sociale sur le site du champ des Dames Blanches est inscrite dans la DPR. Ce terrain de près de 10 hectares (9,3 dont 1,8 non aedificandi) appartient à la SLRB (Société du Logement – social – de la Région de Bruxelles), il est affecté au Plan Régional d’Affectation des Sols en zone d’habitat à prédominance résidentielle, il fait l’objet d’un Plan Particulier d’Affectation du Sol extensif de 2000 qui comportait 132 logements et d’un Master Plan porté par la Région qui en propose entre 350 et 450 sous la forme d’une cité jardin.
(Ce Master Plan est très très en deça des 1.000 logements que Françoise Dupuis entendait inscrire sur le site en 2006. En 2009, la CA de la SLRB a approuvé un projet de 612 logements.)
Le Cabinet de Nawal Ben Hamou est aujourd’hui en pourparlers avec la Commune dont l’accord de majorité comprend des balises très très raisonnables d’1/3 social locatif, 1/3 moyen locatif, 1/3 moyen acquisitif (un tiers social, donc) sur un nombre maximum de logements que le bourgmestre Benoit Cerexhe se refuse à citer malgré l’insistance de Fabrice Grosfilley dans le débat de BX1 de mai 2021. Ce qui m’a frappée dans ce débat c’est l’instrumentalisation par les personnalités politiques du cru (Alexia Bertrand et Benoit Cerexhe) de la notion de « densité » pour rejeter le Master Plan régional.
Madame Bertrand, en particulier, manipule mieux les chiffres quand il est question d’argent (le budget régional consacré au logement) que quand il est question de briques.
D’après elle en effet, plus de 135-145 logements sur 10 hectares, environ 14 logements par hectare, c’est raisonnable, mais 34 logements par hectare c’est beaucoup beaucoup trop dense.
Comparons avec des projets récents situés en zone dense qui n’ont ni vue ni accès direct à la forêt comme c’est le cas aux Dames Blanches.
* Tivoli, projet public de Citydev et de la SLRB c’est 500 logements sur 4,5 hectares :
111 logements/hectare.
* Up Site, projet privé d’Atenor dirigé par Stéphane Sonneville, c’est 340 logements sur 2 hectares : 170 logements/hectare.
* La partie du site de Tour et Taxis actuellement en cours de construction par Ackermans et van Haaren, dirigé par Luc Bertrand, c’est 90.000 m2, environ 900 logements sur 4,5 hectares:
200 logements/hectare.
Si on appliquait la même densité aux Dames Blanches qu’à Tour et Taxis, il serait possible d’y construire 2.000 logements.
De quoi faire maigrir la liste d’attente pour le logement social que déplore fort justement madame Bertrand.
Vendredi j’ai donc ajouté que j’attendais la même attitude du MR face à la densité dans le nord de Bruxelles et madame Bertrand m’a assurée de sa coopération. Nous sommes en effet nombreux parmi les observateurs de la chose urbaine à considérer que la deuxième phase des projets prévus à Tour et Taxis sont « hyper denses » et probablement aussi peu accessibles que ceux de la première phase. Pour rappel 200 logements à l’hectare, d’après la réponse que m’avait faite Pascal Smet in tempore (qui se dédouanait par ailleurs de toute prise sur les prix du privé, c’est-à-dire sur les bénéfices d’Ackermans et van Haaren, entre autres) à comparer avec les 34 logements à l’hectare outrageusement programmés à Dames Blanches.
Madame Bertrand parle depuis une Commune où il y a 5,38 % de logements à finalité sociale dont 4,41 sociaux.
Comme je le disais à Martin Casier j’assume avec sérénité sur ce dossier de me faire pourrir à la fois par mes ami.e.s du RBDH, qui trouvent (avec raison considérant le score de cette commune) que ce n’est pas assez de logements sociaux et par ceux du Forum des Jardiniers qui estiment qu’il faudrait que le champ des Dames Blanches retourne à la nature car ils ont tous des arguments, mais il ne faut pas m’énerver avec du baratin démagogique.
Nous discuterons bientôt de tout cela avec des citoyen.ne.s tiré.e.s au sort dans le cadre de la Commission délibérative qui commence le 28 avril. Je parie qu’ils seront plus indépendants que certain.e.s député.e.s.
Vendredi j’ai aussi posé une question d’actualité au Ministre en charge du Budget, Sven Gatz, afin de m’enquérir des pistes de financement prospectées pour boucler le financement du projet de métro Nord. Le budget, qui est planifié jusqu’en 2024, a en effet déjà dérapé de 27 % avant tout premier coup de pelle au nord. Dérapage de 600 millions d’euros à l’heure actuelle. J’ai oublié de mentionner que Beliris a dit pendant la Concertation que l’enveloppe de 500 millions sur 10 ans prévue sur le budget de Beliris l’était « à condition qu’il n’y ait pas de prolongation au-delà de 2024 ». En clair, les surcoûts sont bien tous à charge de la Région bien que ce projet correspond aux critères définis par Madame Lalieux. Réponse : ce sera le problème du gouvernement suivant.
Samedi 23 avril je suis allée faire un tour au Parcours d’artistes de Jette pour voir entre autres l’exposition Cafés latents d’Arnaud Ghys. http://www.arnaudghys.be/portfolio/cafes-latents/
Pendant que nous étions tous et toutes occupé.e.s à nous morfondre du confinement Arnaud est allé photographier nos stam cafés chéris à la lumière des réverbères.
Et dimanche je suis allée voter. Ça me fait encore du mal d’écrire pour qui.
On verra si la démocratie nous met un direct de droite dans la figure