Notre ville-région est, comme toutes les villes, en perpétuelle évolution. Ici et là, on ne compte plus les nombreux projets immobiliers ainsi que les nouveaux chantiers qui voient le jour. Si de plus en plus d’entrepreneurs et de bureaux d’études se tournent désormais vers la rénovation ou la réhabilitation de bâtiments pour en modifier la fonction tout en préservant un maximum l’édifice d’origine, certains projets – et non des moindres – font encore le choix passéiste de processus invasifs de démolition-reconstruction. Or, si un tel choix s’avère souvent financièrement plus intéressant, entre autres parce qu’il permet de creuser de vastes parkings souterrains et de déployer davantage de superficies, il a également un coût environnemental très élevé.
Prenons le projet de réaménagement du complexe immobilier de la place de Brouckère, en plein centre-ville. La demande de permis de démolition déposée par Allianz fait état de 43.000 m² de superficies de plancher destinées à la démolition pure et simple. Pour avoir un ordre d’idées, en termes de déchets de chantier, c’est comme si, demain, la Silver Tower s’effondrait ! Imaginez-vous la quantité de gravats, la débauche d’énergie pour les engins de démolition, le transport des nouveaux matériaux et les émissions de CO2 que cela entraînerait.
Ainsi, selon Bruxelles Environnement, les déchets de construction et de démolition représentent 38 % de l’ensemble des déchets – en tonnes par an – générés par la Région. À cela s’ajoute le ballet incessant des camions et autres engins de chantier qui doivent évacuer ces déchets. C’est d’ailleurs la situation actuelle du quartier avec le démantèlement du Parking 58.
Sur le plan environnemental, est-ce compatible avec le projet de ville que nous poursuivons ?
Il ne fait pas de doute qu’une stratégie exemplaire de rénovation du bâti constitue un levier-clé dans le processus de transition climatique. Seulement 34 % des immeubles datent d’après la Seconde Guerre mondiale, mais ceux construits bien avant sont parfois de bonne facture, solides et durables, et constituent un patrimoine : le tissu urbain historique. Une maison unifamiliale en briques construite il y a cent ans a une plus longue durée de vie qu’un immeuble en verre du quartier Nord.
Conscient du problème, le gouvernement a inscrit au sein de sa déclaration de politique régionale (DPR) le principe du développement de la construction circulaire, un mode de construction durable visant à répondre aux objectifs environnementaux de la Région, tout en veillant à localiser un maximum d’emplois et d’activités économiques sur le territoire régional.
Le plan Be Circular, élaboré par Bruxelles Environnement en concertation avec les professionnels du secteur de la construction, comprend un diagnostic, des résolutions et 111 mesures dans le cadre du programme régional d’économie circulaire (PREC). Cependant, sur le terrain, ces mesures sont loin d’être assumées par certains acteurs des projets actuels.
Le principe central du mode de construction circulaire consiste en la réhabilitation et en la revalorisation du bâti existant. Toutefois, sur le terrain, rien n’empêche le dépôt de demandes de permis à la mode ancienne, parfois traités à l’ancienne également : primauté au marché, yeux fermés sur les impacts.
Cette nouvelle approche du tissu urbain est contrariée par les vieilles habitudes, l’objectif du profit à tout prix et un certain nombre de dispositions urbanistiques qui n’encouragent pas vraiment le recours à une construction circulaire respectueuse de l’environnement. Ainsi, au niveau des marchés publics, notre système est fondé sur le prix le plus bas, point à la ligne.
Il est donc évidemment très difficile de demander ensuite au secteur de la construction de faire un effort, sachant que le démantèlement et la déconstruction coûtent plus cher, mais permettent de réaliser d’importants bénéfices, si les autorités autorisent des accroissements importants de superficies.
La Région va-t-elle se donner les moyens de son ambition en se dotant de règles urbanistiques fortes et respectueuses de l’environnement ?
Comment la Région mettra-t-elle en œuvre le principe de la construction circulaire inscrit dans la déclaration de politique Régionale (DPR) à travers l’examen des demandes de permis d’urbanisme ?
La Région étudie-t-elle la possibilité de créer un outil de calcul du bilan carbone afin d’objectiver le coût environnemental des processus de construction-démolition ?
Quels sont les incitants mis en place par la Région pour encourager le recours à la construction circulaire par les professionnels du secteur ? Quelles sont les demandes émises au moment de la délivrance des permis en vue de promouvoir le recyclage des matériaux de construction ?
*Réponse de M. Pascal Smet, secrétaire d’État, 15/03/2021 et intégralité des interventions : http://weblex.brussels/data/crb/biq/2020-21/00097/images.pdf#page=69