En 1993, la Région bruxelloise faisait appel au gouvernement fédéral pour la construction du tunnel Belliard. À l’époque, cet immense projet était jugé nécessaire au déploiement de Bruxelles dans une perspective fédérale, à savoir garantir les conditions de la navette, ce qui dépassait largement les moyens financiers de notre ville-région. C’est à l’occasion de cette collaboration que fut créé l’instrument Beliris, dont l’objectif était d’étendre les moyens mis à la disposition de Bruxelles pour développer et promouvoir son rôle de capitale nationale et internationale. Au fil du temps, les enveloppes budgétaires ont augmenté et les projets se sont diversifiés.
En 1999, l’arrivée des écologistes dans la majorité fédérale permet à Isabelle Durant, bruxelloise et ministre des transports, de réorienter les moyens non plus vers les infrastructures souterraines et routières (tunnels, parkings, dont le parking Poelaert en 1998, pénétrantes), mais également dans une perspective d’amélioration du cadre de vie des Bruxellois (restauration des espaces verts, des institutions culturelles, des espaces publics, des abords des logements sociaux, etc.).
La pérennisation de cette diversification est une très bonne chose, même si de très gros travaux d’infrastructures souterraines sont poursuivis, tels que le tunnel Schuman-Josaphat, la gare multimodale Schuman, le tunnel devant le siège de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ou la ligne de métro 3. Dans l’avenant 13, 39 % des moyens étaient attribués à la mobilité.
Le budget de Beliris est fixé par l’État fédéral dans le cadre du conclave budgétaire. Actuellement, 125 millions d’euros par an sont alloués à ses projets et à son financement. À terme, sous la présente législature, pas moins de 630 millions d’euros seront alloués à Bruxelles. C’est peu dire que dans le cadre de la revitalisation et de la rénovation urbaines, notre Région est fortement dépendante de cet accord de coopération et des moyens financiers qui l’accompagnent.
Le Comité de coopération définit donc seul le programme de Beliris, et le moins que l’on puisse dire, c’est que son processus de sélection manque de transparence. Plusieurs projets sont cités dans la presse comme relevant tant de Beliris que du plan pour la reprise et la résilience au niveau fédéral ou au niveau régional, à l’instar du réseau express régional vélo (RER-vélo).
La presse a fait état de projets de restauration de lieux qui appartiennent au patrimoine de l’État belge et dont l’entretien aurait dû ou pu être financé en personne raisonnable et prudente par leur propriétaire (l’État belge) sur ses propres deniers, et pas sur les fonds revenant à la Région de Bruxelles-Capitale. Citons le palais de justice, le Conservatoire royal de Bruxelles qui tombe en ruine depuis des lustres (au grand désespoir de ses utilisateurs, de nos étudiants, du Concours Reine Élisabeth, du Festival Midis Minimes, autant d’événements qui ont un rayonnement pour Bruxelles) et des institutions scientifiques fédérales au premier rang desquelles les grands musées fédéraux comme le Musée art & histoire du Cinquantenaire.
Sur la base de quels critères ces travaux seront-ils considérés comme relevant de l’enveloppe du plan pour la reprise et la résilience ou de celle de Beliris, même s’il est établi que Beliris est présenté comme l’instrument de l’État à Bruxelles ? Il ne faut pas créer l’impression, peu propice à la bonne gouvernance, que des projets sont vendus plusieurs fois à l’opinion publique.
Comment la Région entend-elle contribuer à améliorer la gouvernance de Beliris, en particulier la transparence des arbitrages ? Quel est le poids de la Région au sein du comité de coopération des investissements ?
La nouvelle ministre de tutelle a annoncé une indexation du budget de Beliris. Dans quelle proportion cette indexation sera- t-elle affectée au financement du projet de la ligne de métro 3, qui a déjà englouti 250 millions d’euros ? Sur le montant de 1,8 milliard d’euros prévu, quelle sera, selon les estimations actuelles, la proportion prise en charge par Beliris ?
Qu’en est-il du plafond de liquidation et d’engagement ? On a déjà évoqué un montant de 480 millions d’euros cumulés non engagés des années précédentes, en attente de liquidation. On a également évoqué le fait que seule une partie minime serait susceptible d’être réaffectée d’un avenant à l’autre, car il y aurait un plafond des liquidations et des engagements. Qu’en est-il de ce plafond ? Quel est ce montant ? Pensez-vous être en mesure de négocier la récupération de ces montants ? Ce serait hautement appréciable et apprécié.
Le 5 février 2020, vous indiquiez à M. De Beukelaer qu’un nouvel accord de coopération pourrait prévoir que le financement soit versé annuellement par l’État fédéral par le biais d’un subside unique de 125 millions d’euros octroyé à l’entité régionale chargée de ces investissements. Il pourrait en outre prédéfinir les modalités de choix par le comité de coopération des investissements financés dans ce contexte, ainsi que les modalités de rapportage vers le comité de coopération. Où en sont ces intentions ? À quel stade en est la préparation du nouvel avenant ?
La note stratégique 2020-2025 de Beliris lève le voile sur certaines difficultés de fonctionnement. Il y est question notamment de « soutenir les collaborateurs en matière d’intégrité et de déontologie », « tendre vers plus d’autonomie et de responsabilisation », « être attentif à la cohésion de l’équipe métro 3 au sein de Beliris », « être transparent dans l’attribution des
projets et des tâches en tenant compte des préférences des collaborateurs », et « augmenter la visibilité de Beliris auprès des Bruxellois ». Ce sont des questions internes typiques des audits, qu’il convient d’affronter avec lucidité, dans une perspective d’amélioration.
Cependant, ces difficultés ne sont-elles pas propres à une jeune administration sans racine qui aurait grandi trop vite et serait déconnectée de son terreau d’action qu’est la Région ? Pourquoi donc ne pas accueillir ces 120 collaborateurs dans le giron de l’administration régionale ?
Mme Lalieux, ministre en charge de Beliris au gouvernement fédéral, a déclaré, le 27 novembre 2020, que le RER-vélo le réaménagement du rond-point Schuman et la place Royale étaient les trois projets déposés par Beliris dans le cadre du plan de relance. De plus, Beliris peut constituer un bras armé, car plusieurs de nos projets sont déjà bien avancés et certains sont en cours depuis des années : Schuman depuis 2009 et la place Royale depuis 2004. Y a-t-il une évaluation des délais de réalisation des projets ?
Le 12 janvier dernier, Mme Lalieux a déclaré : « Peut-être qu’un jour, quand on sera complètement mature dans ce pays au niveau des entités fédérées et des rapports au fédéral, tous ces fonds iront à Bruxelles. » L’échéance de cette maturité et de l’autonomie de décision de la Région pour les travaux qui la concernent vous semble-t-elle susceptible de progresser sous cette législature ?
*Ici, réponse de M. Rudi Vervoort, Ministre-président, 26/04/2021 et intégralité des interventions : http://weblex.brussels/data/crb/biq/2020-21/00121/images.pdf#page=15