Bilan parlementaire de la semaine du 7 décembre 2020

Pendant la campagne, une de mes amies me disait combien il lui insuportait de voir « tous ces politiques sourire de toutes leurs dents » (forcément blanches), multiplier promesses improbables et selfies ripolinés par segments de cible, se montrer comme des people en terrasse, en pince fesse, en kermesses, sur les marchés où ils ne vont jamais car on fait leurs courses et leur ménage à leur place quand ils ne délèguent pas l’éducation de leurs enfants à leur conjoint.e ou à des tiers. Complètement déconnecté.e.s, hors sol, sans trop de soucis (apparent) du lendemain etc etc alors que tellement de Bruxellois galèrent.

Certains collègues m’avaient prévenue des aspects personnalisables de ce discrédit mais ça fait tout bizarre tout de même. Assez à l’aise avec la reddition de comptes, pas condamnée économiquement à survivre 30 ans dans un univers dans lequel j’entre à dessein tardivement, impertinente par vocation, ça ne me chiffonne pas trop de lever le voile.

Que dire de cette suspicion de décalage aujourd’hui dans ce contexte de crise inédit ?

Nous sommes le produit. Sur un marché hautement compétitif, où un faux pas peut coûter cher, à toi et à ton parti, et où turbiner sans faire de vague peut constituer l’assurance d’une carrière méritocratique. L’injonction est de se montrer positifs et orientés solutions. Par les temps qui courent autant ne pas plomber le moral de la population par des jeux politiciens. Et nous avons, de fait, une responsabilité d’exemplarité qui est pleinement exigible légitimement. Gare à ceux qui y dérogent en invitant trop de monde dans un atelier de spéculoos, en jouant les Saint-Nicolas de proximité dans un Home, en tombant trop vite le masque sur un plateau surchauffé etc. Les réseaux sociaux veillent et une tornade est vite générée dans les multiples verres d’eau à disposition. Et puis on passe à autre chose, hein. Sauf qu’une image se stratifie sur des sorties de route. Et que ça te poursuit à vie même si rebondir est toujours possible. C’est ce qui fait la beauté de notre sport (pour ceux qui ont la niaque)

Pour l’instant, la vie recommence et, en même temps, elle doit rester à l’arrêt. Paradoxe pas évident à gérer.

Et pourtant nous sommes comme tout le monde et nous avons aussi nos erreurs, nos coups de mou, nos doutes, nos approximations, nos angles morts, nos contingences dont nos enfants qui trouvent que vraiment on exagère (pour ne rien dire de nos, jusqu’à un certain point de rupture, inoxydables conjoints), notre insupportable légèreté, nos foirages et nos déprimes. Cette semaine, Zakia Khattabi Abtoy a dénoué ses cheveux sur un plateau télé pour montrer combien les coiffeurs nous manquent comme à tout le monde et c’était presque osé.

Dans les majorités, il est de bon ton de s’aligner derrière le pilote et de masquer ses états d’âme. Quand on est individuellement convaincu.e de faire collectivement fausse route, rares sont ceux qui se montrent accidentellement « incontrôlables ». Comprendre : le groupe ou le parti lâche la bride à la polyphonie, qui est d’autant plus envisageable que le sujet n’est pas sensible, que ce n’est pas « sur les compétences de nos ministres », que ça ne met pas les équilibres en péril. Ça va vu que mes dossiers n’intéressent pas grand monde et, en tant que parlementaire de la majorité, vous n’intéressez en fait personne dans le champ médiatique. C’est l’exécutif qui décide, c’est donc lui qui donne le la. Pas de discordance en principal, tout le monde au diapason, le métronome est bien réglé et les moutons sont bien gardés.

Tout spécialement en cette semaine du 10eme mois d’une épidémie sans fin, je choisis donc de mettre l’accent sur cet aspect moins glamour de la fonction, de noircir le tableau, de dramatiser avec suffisamment d’ironie et de mauvaise foi pour que ça en devienne drôle (j’espère). Aucun Ecolo n’a été blessé lors de ce tournage.

– Bureau politique

On a principalement parlé de la deuxième vague de la Covid et de questions budgétaires européennes et c’était très riant et agréable. On a terminé avec 15 minutes d’avance. En salle, on aurait eu un moment de convivialité, une soupape, un café du commerce sur l’actu qui appelait un peu de blue bashing, en l’occurrence. Ben non : rideau, à la semaine prochaine, nous on a autre chose à faire. Et pourtant certains étaient chauds boulette dans le chat et on aurait bien rigolé. Hé ben non. Parti de jansénistes

– Commission Développement Territorial

Il y avait un ordre des travaux. Cela signifie que la Commission délibère de ses travaux futurs, auditions et autres fariboles. Mea culpa je ne l’ai pas vu venir, et je n’avais pas reçu d’indication non plus. J’ai donc fait une impro sur un sujet utile (l’urbanisme genré et le Genderbudgeting en urbanisme : une obligation légale à propos de laquelle je n’ai pas reçu de réponse en Commission sur le budget ). Sujet prétendument consensuel mais qui n’intéresse que poliment. (Comprendre : on s’en fout, il y a une Commission pour ça). L’opposition a proposé de discuter d’un sujet sur lequel un de nos collègues travaille déjà. Plus « consensuel » encore (l’accès des bâtiments aux PMR) et qui intéresse, depuis le temps que le sujet est en rade et le secteur en demande.

Retenir que le groupe PS a proposé de faire le bilan du « boom démographique ». Ça c’est une idée qu’elle est bonne. Si on va jusqu’au bout, on peut réviser certains programmes des PAD et trouver des responsables à l’inertie pluri décennale dans le champ de la production de logements.

J’avais préparé 2 questions dont une périmée par l’évolution du dossier et 4 montées sur interpellations dont une reportée. Simon avait tout bien anticipé sur le wiki, tout était prêt pour que ça roule. Un peu d’ambiance sur Néo 1. Zéro répercussions. J’ai sorti l’info sur l’effondrement de la demande de bureaux, en lien avec l’affaire Proximus, le 6 novembre ici même. On en a parlé toute la semaine. Qui est la seule parlementaire à ne pas être citée dans l’article qui rend compte de la commission? Verry bad karma

– Petit déjeuner avec Elke.

Opération salade de fruits.

– Commission Mobilité

Pas mal de sujets intéressants dont les P+R. Passion parkings que je partage volontiers avec le MR et le CDH.

Deux montées dont une reportée. Je me suis quand même offert un petit tacle sur un collègue de l’opposition qui n’a pas bronché.

– Fin de matinée, notre Chef de groupe me laisse un message annonçant un possible débat télé pour le lendemain. Au vu du sujet je doute que ce soit pour moi, je lui laisse deux messages, je décide de préparer au cas où, de toute façon je dois lire cette étude socio économique à la con (très intéressante, en fait, mais 147 pages comme d’hab, on finira par comprendre ceux qui se forgent un avis sur base de l’idéologie de leur parti et répercutent systématiquement la même grille d’analyse). A 16h30, le Chef rappelle. Effectivement ce n’était pas pour moi et mon programme pour le lendemain repart de zéro. Colère froide après ça.

– Juste le jour où mon fils se fait virer du cours de néerlandais. Comme je suis une mère indigne je ne ferai pas de procès à la prof.

– Étude du PAD Heyvaert, plus ou moins reprise à zéro à 17h00. Je n’ai pas regardé le nombre de pages…

– Je recommence aux aurores. Le Cabinet Maron m’appelle à 10h45 pour me demander si je participe à la réunion sur le PAD Heyvaert. J’ai noté 11h00. C’était 10h30.

– Réunion avec le fondateur de Billy bike. Pendant toute la discussion, je réfléchis comme si c’était du vélo musculaire, je ne connais que ça moi même. C’est de l’électrique, évidemment. Ces politiques ne réfléchissent qu’empiriquement. (Enfin, à ma décharge, y a pire : j’ai organisé une mission d’études à Berlin avec des urbanistes qui n’étaient jamais montés sur un vélo. 4 à 5 chutes, aucun blessé grave)

– C’est l’anniversaire de ma sœur. Quand mon frère me rappelle son âge j’ai subitement l’impression qu’elle m’est passée devant, alors qu’elle a toujours 3 ans de moins que moi. Je l’appelle et je ne trouve rien de mieux à faire que de lui faire remarquer qu’elle prend le volant en téléphonant après avoir descendu un verre de blanc avec le poissonnier. Mais quelle rabat joie. Heureusement ma sœur sait déjà que je suis légaliste à l’excès.

– Réunion de groupe

Tout le monde est fatigué, Covid stressé.e et en proie à un sentiment d’urgence eschatologique (ce n’est que la fin de l’année, hein). Résultat : prise de tête. On va programmer un café du commerce de fin d’année pour fluidifier tout ça.

– A midi, jeu « chacun reste à sa place ». Ben j’ai fait du sur place alors que les questions me semblaient faciles jusque là. Ça doit être l’énervement.

– Réunion Green Team. J’ai amené un sujet qui fâche, et même deux. J’aurais pu m’abstenir. Oui. Mais non, car autant anticiper : ils débouleront, de toute façon. On a scanné une bonne dizaine de propositions de résolutions en Enviro et bien être animal. Opération Arche de Noé : abeilles, domestiques et sauvages, cétacés, chats harets, poneys et chevaux de manèges…

– Le soir un certain Jean-Marc fait à Jeudi en prime exactement ce qu’il nous a expressément demandé de ne pas faire. John a dit un jour qu’il fallait assumer sa jalousie, je suis verte devant la télé. Heureusement, par ailleurs, il défend Smart Move.

– Plénière PRB

On discute de trucs hyper cruciaux liés à la Covid, à la crise, au budget, aux safe spaces (espaces de discussion réservés) et me voilà en train de poser une question d’actu sur la fermeture du Musée du jouet. C’est dérisoire. Et en même temps c’est important. Mais bien sûr ton ordi ne charge pas l’image et, si tu gardes l’image et le son sur le GSM, ça fait un écho. Du coup, tu parles sans voir personne ni le chrono, ce qui est assez perturbant.

Le soir j’oublie un webinair sur « Femmes et parole publique ». C’est malin quand on se pose encore des questions.

– Youth for climate rappelle l’impératif de rester sous les 1.5 degrés. Tout le monde est d’accord mais tu te fait menacer de mort quand tu questionnes la place de la voiture en ville. Juste envie de dire « ok boomers » mais on peut pas, hein.

– J’ai enchaîné les lessives comme Rudi enchaîné les projets de PAD. Résultat : un de mes pulls préférés réduit à une taille 12 ans.

J’ai rangé mon bureau et relu des notes que je n’aurais jamais dû relire. Crevée le soir je me réjouis de recevoir mon contact rapproché, d’autant que c’est lui qui apporte les lasagnes. Ne jamais suivre sur le vin quelqu’un qui pèse 30 kg de plus que toi. On s’est pris la tête sur le thème « je fais moins d’entorses que toi » (pourquoi n’a t-il pas abdiqué tout de suite? ). J’ai mal dormi, je me suis réveillée toutes les deux heures, j’ai rêvé que tous les arbres étaient coupés et que je ne pouvais rien y faire. L’horreur. J’ai rêvé que j’habitais dans un couloir aérien et c’était vraiment vrai. Mal aux cheveux. (De la paille, par ailleurs, les cheveux)

– J’apprends qu’un ami est admis aux soins intensifs, il a 47 ans.

– Vers 11h00 je relis une info qui me désole. Je sais qu’il ne faut pas réagir sous le coup de l’émotion. Ben je le fais quand même. Je sais qu’il ne faut pas poursuivre un dialogue de sourds par écrit mais on le fait quand même. Je ne savais pas que Magnette était sur RTL mais j’ai vu GLB.

– Mon fils aîné a appris à jouer au piano à l’oreille les premières mesures d’une gymnopédie et s’arrête toujours à la même note.

– J’ai toujours été nulle pour retenir les dates d’anniversaire. Avec Facebook, ça compense, sauf quand les gens n’y sont pas. Et donc si, encore oublié l’anniversaire de René Schoonbrodt.

– Voilà comment les politiques ont aussi, parfois, une VDM.( Et en plus elle fait toujours trop long)